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La Croix-Rouge, bannière solidarité

REPORTAGE. Crise Covid, inflation, bénévolat en chute libre… la Croix-Rouge essuie de plein fouet les mutations de la société tout en cherchant à maintenir son cap : protéger et relever sans condition, les personnes en situation de vulnérabilité et construire avec elles leur résilience. Pour ses 160 ans et à l’occasion de la journée mondiale qui lui était consacrée hier, l’antenne de Saint-Denis nous a ouvert ses portes. Les signaux sont-ils toujours au vert ?


Auteur de l'article : La Croix-Rouge, bannière solidarité
Rédigé par Clicanoo

"Si la Croix-Rouge avait un visage, il serait à coup sûr souriant et rayonnant." Une mère de famille et ses deux petites filles remercient un à un les bénévoles qui les ont accueillies, hier matin, dans les locaux de l’antenne de la Croix-Rouge de Sainte-Clotilde, au cœur de la Z.A Finette. Difficile de passer à côté sans les remarquer : tous arborent la grande croix rouge vif (évidemment!), marque de fabrique de l’Organisation non gouvernementale (ONG) à vocation humanitaire et véritable bannière de solidarité. À l’occasion de la journée mondiale qui lui est consacrée et pour célébrer la semaine des 160 ans de l’association, l’antenne de Sainte-Clotilde a ouvert ses portes, en grand. En très grand même. Si brocante, jeux lontan, braderie, recrutement et prospections se sont succédé, c’est bien des missions de l’association d’utilité publique dont il a été question. Alors que les bénévoles désertent et que les différentes crises sanitaires et économiques font croître le nombre de personnes en situation de vulnérabilité, les convictions des équipes de la Croix-Rouge restent inébranlables. Un cap vers la solidarité à garder contre vents et marées. 

"On aime ce qu’on fait, beaucoup de personnes démunies ou en difficulté ont besoin de nous. On ne va rien lâcher", lâche Jocelyne Dager, secrétaire de la délégation territoriale de la Croix-Rouge Réunion. Difficultés, vous dites ? Le ton est donné. En réalité, les rangs sont plus que jamais serrés. Et malgré un besoin constant d’effectif, les équipes restent mobilisées et gonflées à bloc. "Oui, on manque de bénévoles et il y a une perte de l’engagement, souffle Cédric, équipier de maraude sur Saint-Denis et photographe "non attitré". Mais il faut se serrer les coudes et faire en sorte de faire naître des vocations. On apporte de la chaleur humaine à des personnes dans le besoin. Nous sommes payés en sourires, ceux des visages résiliants qui nous remercient. C’est pour ça que je suis bénévole et c’est le message qu’il faut faire passer."

De plus en plus de personnes à la rue

Pour d’autres encore "cela peut aider à prendre du recul sur des choses de la vie et à relativiser". S’il est toutefois possible de le faire. Car les (tristes) réalités du terrain, elles, ne font que s'accroître. Depuis la crise Covid. Et en raison de l’augmentation du coût de la vie,  plus récente, mais tout aussi brutale. "L’inflation, on l’observe tous les jours", confirment de concert les bénévoles. Résultat ? Une nette augmentation des paniers de premières nécessité distribués. En 2023 à La Réunion, 35 088 colis l’ont été au bénéfice de 76 168 personnes (en cumulé, à savoir plusieurs fois la ou les mêmes personnes), à travers 13 points de distribution. À l’antenne de Sainte-Clotilde, c’est quelque 30 colis distribués chaque jour, du lundi au vendredi. "Les bénéficiaires arrivent avec les bons alimentaires que les équipes sociales de la Croix-Rouge leur ont distribués afin de valider leur éligibilité, détaille Mercia, référente alimentaire à l’antenne dionysienne. La Croix-Rouge apporte son aide, mais ne permet pas de nourrir tout un foyer tout le mois."

Constat pire encore, et c’est là le plus "inquiétant", de plus en plus de personnes se retrouvent à la rue. "On parle des jeunes femmes isolées avec leurs enfants, on parle d’étudiants, de jeunes couples ou encore de personnes âgées… Des personnes qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts", regrette Marie-Louise Dijoux. La référente du Samu social de l'antenne dionysienne confirme qu’une cinquantaine de personnes seraient dans cette situation, rien que sur Saint-Denis. Quelque 25 bénéficiaires sont pris en charge à chaque maraude. Les chiffres font froid dans le dos. Tout comme les images et scènes effrayantes décrites par les équipes sur le terrain. Une bénévole embraye : "Voilà pourquoi on s’engage et pourquoi il faut s’engager (...) On part à la rencontre des bénéficiaires de rue. On leur offre un café et une soupe, on les écoute et on essaie de créer du lien social." Un travail effectué en complément des missions réalisées par les infirmières et des équipes sociales du SSIAD (services de soins infirmiers à domicile) notamment. En clair, les missions des salariés de la Croix-Rouge (voir par ailleurs)

"Aider les autres, c’est un métier"

La Croix-Rouge pâtit directement de l’inflation et essuie régulièrement ses effets de plein fouet. Les dons à l’association se font moins nombreux et les subventions (des municipalités principalement) ne permettent pas de boucher tous les trous. De plus, les entreprises qui ont resserré leurs stocks ont moins d’invendus qui, jusque-là, étaient collectés par les bénévoles de la Croix-Rouge (loi anti-gaspillage par exemple). Si on ajoute à cela le manque de bras… "Comme finalement dans la même logique qu’une entreprise, il faut faire autant (si ce n’est plus) avec un peu moins", nous confie un bénévole. Certains d’entre eux laissent même transparaître quelques signes d'inquiétude. Sous un soleil de plomb, les curieux s’arrêtent au stand de Serge Lusinier, référent bénévolat, pour des informations quant à une potentielle nouvelle vocation. Les "bénéficiaires" arrivent, eux, plus discrètement, avant de s’arrêter à l'atelier couture tenu par Christine Dolly ou à la boutique solidaire, afin de choisir librement des vêtements et accessoires divers, moyennant une participation financière symbolique. Pour leur permettre de retrouver un peu de "dignité". 

Au diable les remous qui ont alimenté en interne l’actualité de septembre, lorsque le directeur territorial et des employés ont été mis sur la touche après l’ouverture d’une enquête interne menée en urgence et des signalements à la justice, à la suite des révélations d’une salariée sur une affaire d’agression sexuelle "étouffée" dans un foyer d’accueil pour migrants. L’épisode est passé. Tout le monde regarde désormais dans la même direction. "À la Croix-Rouge, aider les autres c’est un métier", avance Jocelyne Dager, secrétaire de la délégation territoriale. Reste à aider la Croix-Rouge, quand elle en aura vraiment besoin, avant de se retrouver vraiment… dans le rouge. 

Lény-Huayna Tible
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> Feux verts à la Croix-Rouge ! 

Dans les contrées les plus reculées du monde, sur le front de la guerre, dans les plus grosses métropoles, la Croix-Rouge sort - loin de la lumière et des caméras - les plus démunis de l’obscurité la plus totale. L’Organisation non gouvernementale à vocation humanitaire essuie pourtant quelques rares revers, ou du moins reste impuissante face à des situations de guerre, comme à Gaza ces dernières semaines. Si l’association d’utilité publique fête ses 160 ans, La Croix-Rouge implante une délégation de bénévoles à La Réunion seulement en 1943, sous l’impulsion de Mickael de Villèle. Les premiers établissements voient le jour en 1946. Trois pôles composent aujourd’hui la Croix-Rouge à La Réunion : la direction territoriale (300 salariés) ; la délégation territoriale (entre 250 et 300 bénévoles sur cinq antennes de l’île à Saint-Denis, à Saint-Benoît, à Saint-Paul, à Saint-Pierre et au Tampon) ; la Piroi (Plateforme d'intervention régionale de l'océan Indien), support d'intervention à vocation régionale, de préparation et de réponse aux catastrophes dans la zone sud-ouest de l'océan Indien.

La Croix-Rouge a pour objectif de venir en aide aux personnes en difficulté en France et à l'étranger et déploie des missions de prévention et d’éducation, de protection et de formation, de secourisme, l’action sociale, d’urgence, entre autres. Reconnue d'utilité publique depuis août 1940, la Croix-Rouge française est l'une des 192 sociétés nationales du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Elle compte plus de 62 000 bénévoles et 17 000 salariés dans le monde entier. À noter qu’une délégation d'ambassadeurs ultramarins d’une petite dizaine de bénévoles secouristes de La Réunion sera envoyée aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. 


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