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Air Austral : les négociations au point mort

SOCIAL. Les réunions entre la direction d'Air Austral, les actionnaires privés et publics et les syndicats s'enchaînent. Pour sortir les comptes du rouge, la compagnie entend réduire de 10 % la masse salariale. Les syndicats s'opposent et proposent d'autres solutions.


Auteur de l'article : Air Austral : les négociations au point mort
Rédigé par Clicanoo

Des négociations dans la matinée avec la direction d'Air Austral et son nouvel actionnaire privé, Run Air. Puis des discussions élargies dans l'après-midi, sous l’égide du préfet de La Réunion, avec les mêmes interlocuteurs, mais aussi les actionnaires publics, des représentants de la Sematra. Au final, pas encore de résultat. "Nous sommes loin de signer un accord", informe Frédéric Bénard, délégué syndical CFDT. Un nouveau round de négociations est prévu aujourd'hui sur ce sujet ultrasensible dans l'entreprise : réduire la masse salariale de 10 %, soit 12,5 millions sur deux ans, avec un nouvel accord de performance collective (APC). Autrement dit, la direction souhaite acter, avec l'accord des représentants du personnel, des baisses de salaire. 
Malgré des résultats record, la santé financière d'Air Austral reste très dégradée avec un risque majeur de défaut. Début mars, la compagnie (845 salariés et 1,2 million de passagers sur ses lignes) a validé un nouveau "plan d'action et de restructuration" avec 10 millions d'euros de nouvel apport financier. Tout en conduisant un vaste plan d'économies. Le versement de ces 10 millions, qui sont une avance en compte courant associés, sont toutefois soumis à un accord sur la baisse des salaires.
"Nous demandons à la direction de revoir sa copie", annonçait, hier soir, à la préfecture, Frédéric Bénard, en estimant que les dirigeants d'Air Austral ne prennent pas suffisamment en compte les arguments présentés par les syndicats.
Ces derniers souhaitent que les baisses de salaire se réalisent plutôt sous "la forme de prêt que de dons." C'est-à-dire que les pertes de rémunérations consenties pour l'année ou les deux ans à venir soient restituées au moment où Air Austral aura retrouvé de la profitabilité. "Les baisses de salaire sont dures à encaisser pour ceux qui sont en bas de l'échelle, souligne Frédéric Bénard. La suppression du treizième mois représente également un sacré effort."

"LA CESSATION D'ACTIVITÉ OU LA SURVIE"

Les syndicats souhaitent que des pistes de travail, portant sur une meilleure organisation du travail, le temps partiel, ou encore la recherche de gain de productivité soient davantage privilégiées par la direction. Selon eux, ce type de réflexion pouvant aboutir à des économies qui ne sont pas suffisamment travaillées.
Responsable local du syndicat national des pilotes de ligne, Vivien Rousseau dénonce "une demande scélérate" de l'actionnaire privé au sujet des rémunérations (notre édition du 29 avril). Car, selon lui, les baisses de salaire peuvent aller jusqu'à 25 % selon les catégories professionnelles. Et les salaires sont "gelés depuis 2017." Une nouvelle baisse des rémunérations entraînerait une perte de 50 % du pouvoir d'achat, assure le représentant des pilotes.
Dans une lettre aux salariés, datée du 24 avril, l'un des membres du directoire, Harold Cazal, leur indique clairement qu'ils n'ont pas d'autres choix que d'accepter un accord sur la baisse des salaires. Un défaut d'accord pourrait entraîner un retour de l'entreprise devant le tribunal de commerce, selon lui. "Le moment est venu de choisir entre la cessation d'activité ou la survie", prévient Harold Cazal en demandant à "chacun et chacune un sacrifice financier" et "de prendre en compte la réalité de la situation." Dans son courrier, ce membre du directoire indiquait aussi que, le 16 avril, le retard de paiement de l'entreprise (dette fournisseurs, etc.) s'élevait à près de 45 millions d'euros, dont 13 millions de dettes publiques (des cotisations sociales, des taxes passagers, des redevances aéroportuaires).
Les négociations devraient théoriquement être bouclées ce soir. Mais, faute d'accord signé, elles se poursuivront jusqu'à la fin de la semaine.

L'ÉTAT VOULAIT UN PLAN FIN AVRIL

Le 19 mars à Paris, à la suite d'une réunion entre les dirigeants et actionnaires privés et publics d'Air Austral, le ministre délégué chargé des Transports, Patrice Vergriete, le ministre délégué chargé de l'Industrie, Roland Lescure, et la ministre déléguée des Outre-mer, Marie Guévenoux, le gouvernement a exigé des responsables de la compagnie "un plan de retournement pérenne et solide sur trois ans." L'État souhaitait que ce plan de retournement soit validé fin avril. L'État a imposé qu'un cabinet d'audit indépendant rende un avis, en rappelant que les difficultés actuelles "découlent d'erreurs de prévisions et de la non-mise en œuvre de mesures de restructuration."
"La survie de la compagnie nécessitera des efforts de toutes les parties prenantes. À commencer par les actionnaires", avait indiqué une source gouvernementale en assurant que "l'État a la volonté de continuer à accompagner Air Austral."


JÉRÔME TALPIN
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