Rédigé par Clicanoo
B.D. Ils étaient au dernier Festival d’Angoulême, Appollo et Serge Huo-Chao-Si, deux des fondateurs du Cri du Margouillat à la Réunion qui, contre vents et marées, ont tenu bon et réalisé leurs rêves de persévérer dans la bande dessinée de leurs jeunes années. Ils ont ressorti il y a quelques mois quelques histoires de mémoire dont comme il se doit, l’un est l’auteur et l’autre l’illustrateur. Une sorte de passage de témoin pour les jeunes générations qui ne connaissent pas comme eux leur Réunion ! Deux/trois questions en amont de la séance de dédicaces de cet album à quatre mains, cet après midi, chez Gérard le libraire dionysien.`
Votre collaboration avec Appollo a déjà été couronnée par « La grippe coloniale » et sa suite « Cyclone la peste ». Ce nouvel album s’inscrit dans la même lignée ?
Serge Huo Chao Si. En réalité ce n’est pas une nouveauté mais plutôt une compilation d’histoires complètes éditées au début du millénaire pour la version tabloïd du « Margouillat » dont nous espérions alors faire un mensuel. Et puis « Le Cri… » est reparti sur un modèle de magazine classique selon la volonté d’André Pangrani toujours plein d’idées pour occuper un espace artistique de « moucate » de événement ou du quotidien du moment , avec ouverture ouvert à d’autres pointures de la BD venues d’ailleurs …
On a toujours tendance à vous étiqueter, avec « Le Cri du Margouillat », pionniers de la bande dessinée dans cette île, Pourquoi et ça remonte à quand plus précisément ?
On fait tous partie de la génération Spirou et tout a commencé même avant le Cri et donc avant 1986 avec Boby Antoir. Tous ados en fin de lycée ou début de fac, Spirou a été notre école à nous qui lisions aussi Pif, Metal Hurlant, Pilote, L’Echo des Savanes…. on s’est nourris de ces lectures-là car à l’époque on achetait des bouquins, des revues, on étaient des assidus de la lecture publique, bibli , médiathèques au coeur de nos vies et le Journal de Spirou nous faisait sentir que, derrière chaque BD il y avait des humains qui savaient inventer …Des gens comme Didier Conrad, l’un de mes plus grands influenceurs. Le lire, lui et bien d’autres nous a ouvert la voie de tous les possibles en ce domaine. Et pour revenir au mot « pionnier » qui peut s’imposer aujourd’hui, c’est par rapport aux jeunes, certes, prometteurs pour prendre la relève avec un niveau graphique sans doute meilleur, mais une culture, une curiosité bien moins étoffées que celles qui nous ont forgés. Ils lisent moins c’est prouvé ( je suis prof en lycée et je m’en rends compte tous les jours) leur créativité scénaristique en lien avec leur réalité à la Réunion manque d’ existence, d’ audace, de fond sachant que même avec maladresse ,on peut toujours s’inspirer de faits historiques avec profit comme on le fait avec Appollo, ce qu’ils n’ont pas envie de faire ….
Et ça vous stimule vous de replonger à plein temps dans le circuit juste pour voir et montrer ce qu’il reste à faire ?
Oui et non… je suis devenu moins productif au fil des années . Je procrastine ! Les cours à assurer, la vie en général me font souvent remettre à demain ce qui pourtant s’impose à mon esprit aujourd’hui… Le dessin est un art difficile et il arrive qu’on diffère l’échéance par peur de se planter, genre demi-souffrance voire galère, c’est mon cas alors que le coup de crayon c’est, par prédilection, mon univers…
Vous aimez enseigner ?
J’adore ça, heureusement ! Accompagner, partager etc. Sauf que aujourd’hui les pédagogies forcées, le coté hiérarchie, genre « l’inspection a dit… patati patata », finit par générer ( sans doute ailleurs et dans d’autres métiers aussi ) un mal-être et des gens moins impliqués qu’avant. La vocation ? Chez les 20/ 40 ans, maintenant, c’est fini, et inconsciemment, ça crée un climat toxique. Alors que, pour moi, l’enseignement c’est ce qui donne un rythme à ma vie et me garde en contact avec les jeunes classes pas si branchées BD qu’on le dit… (un peu de manga et basta). Je les incite à lire les livres que j’ai aimé ( et dont je suis entouré chez moi comme vous le voyez !!) et j’espère avoir, peut-être, semé quelques graines… Mais il ne faut pas se leurrer, ici comme de l’autre côté de la mer le public des expo, festivals, dédicaces… ça reste les quinqua, sexa et plus. Et comme je reste un gros lecteur et aussi spectateur de film je vois bien que le filon s’épuise avec tous ces biopics, adaptations littéraires, oeuvres de fiction genre déjà vu et mal-refait….Qualité artistique en baisse oui, c’est sûr. Même s’il y a encore des perles , des nouvelles ou qui font partie du patrimoine, avec des éditeurs courageux …
Là vous avez puisé dans votre propre patrimoine, par facilité ?
Pas si facile! il a fallu choisir les histoires avec Appollo et surtout , gros boulot, les scanner etc
La couverture est de vous ?
On a confié la maquette à Hobocop et voilà le résultat ! Pour un album qui ne contient que des histoires créoles ( un ogre à Hell Bourg, la France qui disparait, un réglement de compte dans une usine sucrière, un tueur à gage chinois, un petit chaperon rouge kanyar , un chasseur d’esclaves et un pirate kaf flamboyant !). Des histoires qui toutes pour Appollo qui les écrit et moi qui les dessine, sont un hymne à l’amour de notre pays ! Et, oui, je me suis bien amusé à faire tout ça….
Propos recueillis par Marine Dusigne
* « Le jour où la France a disparu et autres histoires » Editions Centre du Monde, 54 pages, 15 euros, disponible à La Voie des Bulles et chez Gérard où il y aura dédicace aujourd’hui de 15h à 17h30 . A saisir tirage de seulement 200 exemplaires…
> Dites-nous, Appollo ?….
L’auteur des histoires réunies sous l’intitulé « Le jour ou la France a disparu », enseignant l...
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